La neutralité carbone, véritable concept ou argument marketing ?

Le 12.05.2021

Depuis plusieurs années, des produits, des chaînes de production ou même des entreprises entières revendiquent leur « neutralité carbone ». Le souci c’est qu’il est difficile de savoir si ces revendications résultent d’une démarche réelle et honnête de transformation ou si ce n’est qu’un nouvel argument marketing.

Avant toute chose, qu’est-ce que la neutralité carbone ?

La neutralité carbone ne veut pas dire que l’entreprise ou son produit ne sont source d’aucune émission de CO2. En effet, le parlement européen définit la neutralité carbone ainsi : C’est « l’équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone de l’atmosphère par les puits de carbone ».

Simplement c’est : ce qu’on rejette – ce que la planète recycle = 0

C’est un objectif partagé par de nombreux acteurs : Etats, Collectivités, Entreprises… à des horizons plus ou moins lointains (et généralement plus c’est proche, plus c’est faux !).

L’intérêt de la notion de neutralité carbone

Et là est l’os : d’après l’ADEME, la neutralité carbone n’a de sens qu’à l’échelle planétaire et étatique. La définition de la neutralité carbone selon le GIEC est « l’équilibre entre les émissions et les absorptions de CO2 à l’échelle planétaire ».
En effet, pour l’ADEME, les acteurs à échelles plus petites ne doivent pas s’engager sur la voie de la neutralité individuelle. Le « net zéro » planétaire serait alors supposément atteint par la somme de ces neutralités à différentes sous-échelles.

L’ADEME estime que les acteurs doivent chercher une neutralité carbone collective, avec certains acteurs devenant « carbone positif » puisque bénéficiant naturellement de puits de CO2. D’autres, ne peuvent pas nécessairement atteindre la neutralité et doivent donc être compensés par d’autres. Cette neutralité collective peut être pilotée par les pays, pour lesquels l’ADEME reconnaît l’intérêt de viser la neutralité carbone.

Neutralité carbone et entreprises

Les différents scopes d’émission

Malgré tout, et il faut malgré tout les féliciter, certaines entreprises s’engage pour limiter leurs émissions. Ce choix se traduit par la déclaration des émissions de l’entreprise, autrement appelé : bilan carbone. Ce bilan repose sur 3 scopes. C’est-à-dire 3 champs de vision, plus ou moins large, où l’on va comptabiliser les émissions. Le Scope 1 est le plus restreint, le Scope 3 le plus large.

Le Scope 1, les émissions directes

Le premier, le Scope 1 comprend les émissions directes provenant des installations fixes ou mobiles situées à l’intérieur du périmètre organisationnel, autrement dit DANS l’entreprise. Ce sont les émissions directement liées à la fabrication du produit : combustion de carburant, rejet d’émissions suites aux procédés de transformation, utilisation de pétrole…

Le Scope 2, les émissions indirectes liées à l’énergie

Le Scope 2 comptabilise les émissions indirectes liées à la production d’énergies, pour le besoin de l’organisation. Séparé entre 2 grandes catégories, le Scope 2 intègre :
- Les émissions dues à l’utilisation d’électricité
- Les émissions dues à l’utilisation de vapeur, chaleur ou froid

Le Scope 3, toutes les autres émissions indirectes

Le Scope 3 est très souvent le plus émetteur. Il regroupe toutes les émissions des activités amont et aval de l’entreprise : de l’approvisionnement & la fabrication à la fin de vie du produit.
Le bilan carbone officiel de l’entreprise doit contenir obligatoirement les scopes 1 & 2, mais pas nécessairement le Scope 3. C’est un point majeur du débat sur l’utilisation, par les entreprises, de l’appellation « Neutre en carbone ».

Les problématiques liées à la revendication de la neutralité carbone

Les problèmes liés à cette appellation issue de la comptabilité carbone sont nombreux et font l’objet de nombreuses polémiques. Petit tour d’horizon.

- D’abord, comme mentionné plus haut, les organisations telles que l’ADEME ou le GIEC indiquent clairement que la neutralité carbone est un concept planétaire et à minima national. Certains s’insurgent donc de l’utilisation, par les entreprises, de cette notion inappropriée.

- Le Scope 3, qui prend en compte l’intégralité de la chaîne de valeur, de l’extraction des matières premières à la dégradation du produit. Mais il prend donc en compte les émissions générées par d’autres entreprises. Aussi, si toutes les entreprises calculaient leurs émissions directes, certaines seraient comptabilisées 2 fois et génèreraient un surdimensionnement de l’impact. C’est pour cela que le Scope 3 n’est pas obligatoire.

- Mais la non-obligation d’inclure le Scope 3 engendre malgré tout un problème d’échelle : le périmètre de cette « neutralité carbone » n’est jamais le même. En effet, les scopes intégrés dans les allégations des entreprises sont différents entre chacune. Et bien souvent, celles-ci omettent le Scope 3, qui représente en moyenne plus de 90% des émissions d’une entreprise. Il est alors BEAUCOUP plus simple de faire des petits tours de passe-passe (comme acheter de l’électricité renouvelable) de manière à avoir un bilan très léger. Tant et si bien qu’Apple et Google sont « neutres en carbone » ...

- Les compensations sont inclues dans ce décompte pour atteindre le Net Zéro. Financer des plantations d’arbres, ou de technologies à impact positif, c’est bien. Mais le souci, c’est que le résultat, si le projet n’échoue pas entre temps (les forêts brûlent à cause du réchauffement climatique, zut !), sera opérationnel d’ici 20, 30 ou 50 ans ! Et, il semblerait que la nature ne soit pas aussi clémente que nos banquiers au niveau des taux d’intérêts :/

- Et en plus d’être des actions à retardement, ces compensations agissent comme la solution de facilité. Petit exemple : on vous offre 2 choix. Le premier, c’est repenser vos filières, votre organisation, le choix de vos matières premières, votre flotte d’entreprise, pousser vos collaborateurs/fournisseurs/distributeurs à faire de même… pour REDUIRE votre impact. De l’autre, vous avez la possibilité de continuer à faire pareil, de ne comptabiliser que vos Scope 1 & 2, de vous approvisionner chez un fournisseur d’électricité en énergies renouvelables afin d’avoir un impact carbone minime à compenser : par le versement de sommes (encore trop faibles à la tonne) à des projets théoriquement « carbone positifs ». En bref, changer fondamentalement ou faire semblant de changer ? La réponse est assez souvent la même malheureusement et il est très difficile, pour nous consommateurs, de savoir si nous sommes face à une entreprise qui agit réellement ou qui ne fait que compenser ses émissions.

- Enfin, le numérique n’est pas inclus dans cette comptabilité, pourtant on estime que le numérique pèse entre 4 et 6% des émissions mondiales.

Les évolutions légales liées à cette thématique

L’ADEME a donc publié, en mai 2021, ce rapport qui vient rappeler le concept de neutralité carbone et son échelle.
Depuis, un décret entrant en vigueur au 1er janvier 2023 va obliger les entreprises à joindre le geste à la parole lorsqu'elles communiquent. Effectivement, l’ARPP (Agence de Régulation Professionnelle de la Publicité) va veiller à ce que les entreprises employant des allégations liées à la neutralité carbone d’un produit, d’un service ou d’une filière rendent accessible une documentation l’attestant. Le document sera aisément retrouvable depuis la publicité ou le support employé grâce à un QR Code. Il devra détailler les émissions limitées, évitées et enfin compensées.
Ce décret est malgré tout jugé trop peu ambitieux par les associations et projets environnementaux car il ne répond pas aux débats mentionnés plus haut.

Neutralité carbone en tant que consommateur : rester vigilant !

Bien que la législation ait été légèrement durcie pour 2023, il sera encore très simple pour les entreprises de revendiquer une neutralité carbone. Leurs affirmations ne seront pas fausses, mais n’incluront pas nécessairement tous les périmètres ou n’auront pas tenté quoi que ce soit pour réduire leurs émissions. Alors, comment tenter de se prémunir du greenwashing ?

On va appliquer une technique fréquemment utilisée aussi bien en marketing (ils créent des outils alors autant les utiliser !) qu’en journalisme :

- Qui ? Quelle filière ? Quel produit ? L’échelle de revendication : et plus c’est gros, moins ça passe ;)
- Quoi ? La neutralité couvre-t-elle tous les gaz ? uniquement le CO2 ? Il existe de nombreux GES (gaz à effet de serre), l’entreprise les prend-elle tous en compte ou uniquement le CO2, qui peut ne représenter qu’une petite part des émissions.
- Où ? Pour quelle(s) zone(s) géographique(s) la neutralité carbone est-elle revendiquée ?
- Quand ? A quel horizon l’entreprise prévoit-elle d’atteindre sa neutralité carbone ?
- Comment ? L’entreprise a-t-elle entreprit une réelle démarche de transformation et d’amélioration de ses processus ou ne fait-elle que compenser ses émissions en finançant des projets à impact positif ?
- Pour-quoi (allez, sur celle-là on triche un peu) ? Quels scopes sont pris en compte dans cette revendication ? Laisser de côté le Scope 3 est légal mais n’est jamais signe de transparence !

Et enfin, faire appel à la logique ! Pensez-vous que des compagnies aériennes ou pétrolières peuvent-être neutre en carbone ?

L’ADEME a publié un guide « Anti-Greenwashing », alors si vous souhaitez ne plus vous faire avoir, vous savez quoi poser sur votre table de chevet !

Voilà un résumé du débat sur la neutralité carbone. Il est difficile de distinguer le vrai du faux, la démarche raisonnée de la pure stratégie marketing, mais il est nécessaire de rappeler qu’une véritable démarche de PARTICIPATION à la neutralité carbone (le concept ne doit s’appliquer qu’aux échelles nationales et planétaire) doit se composer de :

- En premier lieu : une stratégie de LIMITATION des émissions
- En second lieu : de REDUCTION des émissions
- Et enfin : pour les émissions incompressibles une stratégie de COMPENSATION

Chez TaxyMatch, nous avons développé cette première étape de limitation des émissions en offrant la possibilité de partager son Taxi ou VTC afin de mutualiser les courses et limiter les émissions ! La réduction d’émissions est en moyenne de 65% de CO2 émis en moins !
Notre démarche de limitation se poursuit également dans notre flotte en Ile-de-France qui est composée à plus de 80% par des véhicules hybrides ou électriques. Et c’est un point sur lequel nous travaillons actuellement !

Alors, chez TaxyMatch, pas de neutralité carbone annoncée mais un service avec un impact concret et immédiat sur vos émissions de GES ! Découvrez nos engagements et adoptez notre service !

 

 

 

Sources : 

https://presse.ademe.fr/2021/04/avis-de-lademe-tous-les-acteurs-doivent-agir-collectivement-pour-la-neutralite-carbone-mais-aucun-acteur-ne-devrait-se-revendiquer-neutre-en-carbone.html
https://antigreenwashing.ademe.fr/sites/default/files/docs/ADEME_GREENWASHING_GUIDE.pdf
https://www.carbone4.com/analyse-ademe-neutralite-carbone
https://bonpote.com/la-neutralite-carbone-nouveau-greenwashing-ou-reelle-avancee/
https://www.vie-publique.fr/consultations/283391-projet-decret-allegations-neutralite-carbone-dans-publicite-loi-climat#:~:text=Ce%20projet%20de%20d%C3%A9cret%20fixe,la%20r%C3%A9silience%20face%20%C3%A0%20ses
https://www.lsa-conso.fr/neutralite-carbone-vers-la-fin-du-greenwashing-dans-la-publicite-changer,409146
https://www.hellocarbo.com/blog/calculer/scope-1-2-3/

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