Evolution du statut des chauffeurs Uber : un combat sans relâche.

Le 15.11.2022

Depuis des années un seul et même sujet tourne autour des chauffeurs UBER : leur statut. C’est un combat sans fin que mènent chaque jour des milliers de chauffeurs liés à cette plateforme et les syndicats des chauffeurs VTC. Des reportages, plaintes ont déjà dénoncés ces pratiques non conventionnelles, mais les choses ont du mal à avancer malheureusement … Une sécurité financière est attendue et ne sera obtenue que par un statut de salarié.

Une lutte quotidienne pour se faire reconnaître

Une évolution peut encourageante pour nos travailleurs français …

Lundi 13 septembre 2021, a justice néerlandaise vient de reconnaître les conducteurs Uber comme des salariés et non comme des travailleurs indépendants.
Un jugement qui pourrait faire boule de neige ? En France, malgré une décision similaire de la Cour de cassation, rien ou très peu de chose n’ont changé pour les chauffeurs. De plus, si la Cour de cassation a posé un principe clair, le modèle économique de la plateforme n’a pas été drastiquement modifié. Les chauffeurs Uber en France sont toujours soumis à un statut d’auto-entrepreneur, qui ne leur accorde aucunement les droits d’un salarié. En France, le gouvernement a récemment tenté de réguler le secteur en présentant une ordonnance qui prévoit notamment l’élection prochaine de représentants syndicaux pour les chauffeurs VTC.
En effet, il n'est pour le moment pas question de promouvoir une convention collective des chauffeurs VTC qui acterait leur statut de salarié. La question cruciale est systématiquement repoussée.
La Cour de cassation française a confirmé en mars 2020 la décision de la Cour d'appel de Paris, selon laquelle le contrat d'un chauffeur Uber devait être requalifié en salarié . Elle estimait alors qu'il existait « un lien de subordination entre le chauffeur et la société » Annoncé comme une première décision qui devait faire jurisprudence, l'avis de la Cour de Cassation n'a pour l'instant pas poussé Uber à revoir les conditions de travail de l'ensemble de ses chauffeurs français. En novembre 2020, le Conseil de Prud'hommes de Nantes a toutefois condamné à Uber à requalifier en contrat de travail sa relation avec un deuxième chauffeur, forçant également l'entreprise à lui verser des rappels de salaire ainsi que des dommages et intérêts.
La Commission européenne a entamé au mois de juin sa deuxième phase de consultation avec les organisations syndicales et patronales du secteur. Elle fait suite à une première phase qui s'est déroulée de février à avril, et à l'issue de laquelle la Commission a conclu que l'Union européenne devait prendre « de nouvelles mesures pour davantage protéger les travailleurs liés à des plateformes numériques ». Si les négociations entre partenaires sociaux ne permettent pas d'aboutir à un accord, la Commission européenne prévoit de présenter elle-même une proposition avant la fin de l'année 2021.

Les changements internationaux

C’est une première mondiale, les chauffeurs britanniques pourront maintenant bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’un plan épargne retraite grâce au statut de travailleur salarié. Cette action résulte de la défaite de la plateforme devant la Cour Suprême. En effet, le 19 février, la plus haute juridiction avait tranché : les chauffeurs pouvaient être considérés comme des "travailleurs" et donc bénéficier de droits sociaux.
La loi britannique distingue le statut de travailleurs ("workers"), qui peut recevoir le salaire minimum et d’autres avantages, de celui de salariés au sens strict ("employées"), qui bénéficient d’un contrat de travail en bonne et due forme. Suite à cela, Uber a annoncé au mois de mars 2021 que ses 70.000 chauffeurs britanniques seraient désormais considérés comme des "travailleurs".
En novembre 2021 dernier en Californie, Uber et son concurrent américain Lyft avaient déjà remporté une bataille quand l'État avait voté la "proposition 22", qui préservait l'indépendance des chauffeurs de VTC tout en leur accordant quelques compensations comme un revenu minimum garanti et une contribution à une assurance santé.
Pour ce qui est de l'Europe, le PDG d'Uber aura quoiqu'il arrive un peu de temps devant lui : une telle législation, selon Dominique Riquet, ne devrait pas voir le jour avant un à deux ans.
La Chine: appel à une "rémunération décente". Début décembre, une directive du ministère des Transports a exhorté les plateformes de réservation de VTC comme Didi (équivalent chinois d'Uber) à améliorer les conditions de travail des conducteurs avec une "rémunération décente" et un temps de repos "raisonnable".
La plateforme demande à l'UE de créer un statut hybride, entre l'auto-entrepreneur et le salarié, pour offrir plus de protection sociale à ses chauffeurs sans avoir à les embaucher. Aujourd'hui, comme le rappelle Eric Rocheblave, avocat en droit du Travail, les chauffeurs Uber sont des indépendants sous statut d'auto-entrepreneur, "ce qui permet aux plateformes de s'exonérer des charges sociales et de gagner en souplesse". Dara Khosrowshahi admet volontiers qu'il sera compliqué de créer un statut unique pour toute l'Europe, et que chaque pays devra en définir ses propres contours dans un cadre fixé par l'UE. "Le droit du Travail est un droit national, appuie Eric Rocheblave. Chaque pays a sa propre législation sur la notion du salariat".
Les chauffeurs ne souhaitant pas perdre la flexibilité au gré de leurs avantages.

La décision Uber fera ainsi passer les chauffeurs d’un statut de travailleurs indépendants à travailleurs salariés, le salaire minimum des conducteurs se verra passer à 8,91£ au mois d’avril. Ces nouveaux avantages sociaux s’ajoutent à ceux déjà existants comme l’accès à l’assurance à l’accès maladie et l’indemnisation des congés parentaux. Jusqu’à présent le géant américain refusait d’accorder à ses chauffeurs le statut de salarié. Cette décision pourrait ainsi être le précurseur d’une nouvelle ère et ainsi se répandre à d’autres pays déjà "Ubérisés".

Loi Riders en Espagne : "la loi pionnière"

Dans le même temps, l’Espagne s’apprête elle aussi à reconnaître des salariés chez les plateformes de livraison à domicile.
La Loi Riders permettra également aux livreurs de Uber Eats et Deliveroo de bénéficier de ce statut. "Il s'agit d'une loi pionnière en Europe" expliquait Yolanda Diaz, membre du Congrès des députés d’Espagne.
Le décret permet de reconnaître le lien salarié des "Riders" et à accordé aux plateformes de livraisons à domicile trois mois pour s'adapter à ce nouveau cadre légal et procéder aux embauches correspondantes. Le texte négocié avec les partenaires sociaux indique aussi que les entreprises auront l'obligation d'être plus transparent sur les algorithmes qui conditionnent les conditions et la charge de travail.
Des mouvements successifs de demande de droits sociaux sont en train d’être accordés grâce à la pression de la justice. Nous saurons prochainement si cet élan conduira à d’autres accords entre les plateformes et les travailleurs indépendants.
La hausse du coût engendré par ces nouvelles normes sociales devraient être absorbée par les plateformes afin de rester concurrentielles. Qu'en sera-t-il de la marge et plus généralement, le business model initial des plateformes de mise à dispoisiton de chauffeurs ou de livreurs est-il aujourd'hui remis en cause ? Les courses vtc vont-elles devenir systématiquement plus chères que celles en taxis (c'est déjà le cas en cas de forte affluence) ? A suivre…

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